ODE AU PIN CUIRASSE (1)

Il était une fois
de valeureux guerriers de paix
qui firent vœux
de se retirer dans nos montagnes
pour garder les nuages.
Puis,
transformés en arbres,
ils choisirent avec courage
de mourir debout
et de rester ainsi
pour toujours parmi les vivants
sans la gloire
de la victoire
ou des morts en bataille.

Enracinés
aux murs de roche
ou dispersés
entre les blocs erratiques
des plateaux,
à la pluie
ils donnèrent en gage
une partie de la terre
gardée jalousement
à leurs pieds.
Au vent
ils donnèrent
leurs aiguilles d’argent
comme butin.
Aux foudres tyranniques
ils sacrifièrent
leurs plus belles branches
et parfois
la cime même.
Le temps et le gel
ils payèrent enfin
de leur propre cuirasse
cédant chaque lamelle
comme legs
de monnaies anciennes.

Ainsi,
aujourd’hui encore
dans les nuits étoilées
des arbres d’ivoire
dupent l’éternel
avec la complicité
de la lune.

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(1) Ce pin est une espèce diffuse dans le Sud de l’Italie particulièrement dans le parc national du Pollino entre la Basilicate et la Calabre, ainsi que dans les Balkans. Son écorce très épaisse se fissure en profondeur et forme ainsi de petites lamelles qui donnent au tronc un aspect « écaillé », semblable à la cuirasse portée par les légionnaires de la Rome Antique, d’où son nom pino loricato (lorica désignant la cuirasse des légionnaires romains). C’est une espèce qui résiste particulièrement bien au gel, à la neige et aux vents forts. Sur les versants des montagnes du Pollino, il vit là où d’autres espèces n’y parviendraient pas. A l’allure spectaculaire, il atteint 25 à 50 mètres de hauteur.

(traduction de Marie Marazita)

de “A sud delle cose” – Roma, 2017 – I ed. 2006